Intervalles.
Pourquoi les choses, les images, les pensées ne sont pas l'essentiel ?
Par exemple, le travail de l'animation a ceci de très particulier que l'on ne s'attache ni s'attarde à l'image. Toute la concentration, la subtilité, la souplesse de l'intelligence et de l'intuition se situent entre les dessins, les images, là où il n'y a rien et pourtant il y a.
Focaliser son attention entre deux feuilles et non sur l'une ou l'autre, voilà le secret du mouvement.
Toujours entre, c'est très étrange.
Les intervalles sont conceptuellement insaisissables, impensables, informels mais ils sont malgré tout efficients. Il suffit d'être attentif. Ils échappent totalement à la représentation. Mais sans eux, la représentation, l'apparition de l'image et du mouvement ne peut être.
Imagine une rivière. L'entre des images n'est ni la rivière, ni les rochers, les bouts de bois, herbes, poissons, rives etc. C'est le courant.
Peux-tu saisir le courant, dire qu'il a une forme ?
Pourtant il est efficient. Il n'a ni début ni fin. C'est cela la méditation. Pur élan sans agir. C'est cela, l'art, se mouvoir et s'émouvoir par ce courant. Il faut être attentif, c'est tout.
D'où vient le courant ?
C'est comme demander, d'où viennent les intervalles ? Ils sont pur espace insaisissable, non géométrisable, non concevable. C'est une pure négativité, une non-chose.
C'est la source de tous les états et ce n'est pas lui même un état. C'est avant les perceptions, mais ce qui les permet.
Les perceptions sont pleines de ce courant, cet espace, ces intervalles, sans fin, vivant.
L'essentiel, le fond d'où tout cela émerge.
Dans le temps où l'on perçoit deux objets,
prenant conscience de l'intervalle qui les sépare, s'y installer sans fléchir.
Qu'on les abandonne ensuite simultanément tous deux :
alors, dans cet intervalle fulgure la Réalité.
Vijnana bhairava tantra /61/
Ce courant sans cesse en mouvement où l'âme trouve sa vie.
Mechtild von Magdeburg. |